Archéologie rupestre du Vallon du Longis

(Molines-en-Queyras, Hautes-Alpes, Francia)

  • (ROSSI M., GATTIGLIA A. 2002. Molines-en-Queyras. Vallon du Longis. Bilan scientifique 2001 [du] Service Régional de l'Archéologie Provence - Alpes - Côte d'Azur: sous presse. Aix-en-Provence: Service Régional de l'Archéologie).
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    Le patrimoine archéologique rupestre du Vallon du Longis a été l'objet en 2001 d’une quatrième campagne de relevé et inventaire. Par les trois campagnes précédentes on avait repéré et localisé 76 dalles gravées, dont 28 avaient été relevées. La fréquentation continue du site afin d’y effectuer de nouveaux relevés a produit en 2001 la découverte de 10 nouvelles dalles gravées.

    Par les nouveaux relevés, la séquence stratigraphique rupestre du Briançonnais arrive à comprendre 52 séries individuelles, dont 42 dans le Vallon du Longis, 9 dans le Vallon de l'Égorgéou (Ristolas) et 1, en cavité, dans la Vallée Étroite (Névache).

    Les pétroglyphes de cette séquence, couvrant cinq siècles (1420? ÷ 1950), sont désormais 2 214, dont 795 au Longis, 499 à l'Égorgéou et 920 dans la grotte du Mian. La résolution stratigraphique des phases dans lesquelles la séquence s’articule oscille entre 1 et 230 ans, mais la plupart des pétroglyphes sont datables par une approximation £ 100 ans.

    Les relevés de 2001 confirment que les pétroglyphes du Longis couvrent la période 1550 ÷ 1900. Deux dalles pourraient garder des traces plus anciennes, d’âge indéterminé. Les siècles les plus fréquemment représentés sont les XVIIe, XVIIIe et XIXe, alors que 3 dalles seulement conservent des pétroglyphes antérieurs à 1600.

    La persistance de l'activité graphique sur chaque dalle oscille entre l'épisode isolé, que l'on peut circonscrire à un seul an et un seul graveur, et le palimpseste, où plusieurs générations de graveurs rupestres se sont succédés pendant plusieurs siècles.

    Les pétroglyphes enregistrés en 2001 sont constitués pour la plupart d'inscriptions alphanumériques utilisant l'alphabet latin, les chiffres arabes et la langue française, rarement associées à des signes symboliques et à des figures schématiques. Les inscriptions alphabétiques sont des initiales onomastiques, parfois renfermées par des cartouches et accompagnées de dates, à mettre en relation avec celles gravées sur les moellons des maisons du hameau de Fontgillarde, dont la plupart des graveurs rupestres étaient originaires.

    La comparaison systématique des séries d'initiales rencontrées sur le terrain et des témoignages onomastiques des documents historiques locaux a confirmé ldes graveurs ’identification de 15 rupestres dont on connaissait déjà les prénoms, noms et patronymes, appartenants aux familles Adieu, Berge, Bonnet, Ebren, Gautier, Martin Mista, Roux et Vasserot, et de récupérer aux honneurs de l'histoire 8 autres personnages inconnus, appartenants aux familles Bonnet, Ebren, Faure, Imbert, Roux et Vasserot.

    Les graveurs rupestres identifiés sont devenus ainsi 56 au minimum, mais ils pourraient s’élever à 64, l’incertitude dans le compte dépendant des nombreux cas d'homonymie, dus à l'usage d'"esmendar", soit de donner au fils aîné le prénom du grand-père paternel et au second enfant celui du grand-père maternel. A remarquer, à ce propos, l’inscription datée "PIERRE• / VASSEROT / LACROIX / I882 / 3 JUIN", dont le surnom ("LACROIX"), probablement héréditaire (un "Jean Vasserot fils Jean dit la Croix" revient en 1891 dans les sources écrites.), devait servir à le distinguer des homonymes contemporains.

    L'utilisation de lettres entrelacées, ligaturées, monogrammatiques, ainsi que les prétentions calligraphiques de quelques inscriptions sont autant d'indices de familiarité avec la lecture et l'écriture, dérivante de la fréquentation de textes notariaux et religieux, suite à la diffusion de l'alphabétisation amorcée par la foi protestante.

    Dans les ans qui suivent immédiatement l'érection, en 1846-1847, de la chapelle Notre-Dame du Carmel des Clausis (Saint-Véran), où les fidèles de Fontgillarde se rendaient le 16 juillet et le 8 septembre de chaque année en remontant le Vallon du Longis, on enregistre une nette augmentation du nombre des chronogrammes rupestres.

    À la fin de la campagne 2001 on ne peut que confirmer:

    – l’importance des pétroglyphes du Queyras en tant que source de l'histoire moderne et contemporaine des communautés locales, pour tout ce qui concerne les identités religieuse, ethnique, sociale et culturelle, les mentalités, les conflits sociaux ou politiques, ainsi que, sur le plan matériel, l'exploitation et l'aménagement pastoraux des hauts vallons;

    – l’utilité d’avoir adopté dans les recherches une perspective strictement géo-archéologique et historique au lieu que stylistique ou ethnographique.

    La poursuite des recherches est indispensable d'un point de vue scientifique, car la datation des séquences stratigraphiques rupestres pauvres en éléments chronologiques est facilitée par leur mise en série et par le croisement avec les séquences les mieux datées, mais également du point de vue de la conservation du patrimoine, car les surfaces gravées vont s'usant de plus en plus en raison de l'érosion naturelle, de la croissance végétale et des dégâts humains

     

    Bibliographie

    ROSSI M. (dir.) 1997. La grotta del Mian. Archeologia e ambiente della Valle Stretta. Torino: Antropologia Alpina.

    ROSSI M., GATTIGLIA A., CASTALDI R., CHIAVERINA L., FEDELE F., NISBET R., ROSTAN P. 1999. Archéologie rupestre du Vallon de l'Égorgéou (Ristolas, Hautes-Alpes). Milly-la-Forêt: Groupe d’Études, de Recherches et de Sauvegarde de l’Art Rupestre.

    ROSSI M., GATTIGLIA A., CHIAVERINA L., ROSTAN P. 2000. Archéologie rupestre du Vallon du Longis (Molines-en-Queyras, Hautes-Alpes). Campagne 1999. Aix-en-Provence - Torino: Service Régional de l'Archéologie Provence-Alpes-Côte d'Azur - Antropologia Alpina [rapport d'opération inédit présenté au Service Régional de l'Archéologie de Provence - Alpes - Côte d'Azur].

    TIVOLLIER J. 1913. Molines en Queyras. Monographie physique, historique, économique, etc.. Lyon: chez l'auteur.

    Pour en savoir plus: studio@antropologiaalpina.it